92 Espagnole

Sommaire

Vous trouverez dans cet article sur les revolvers dit « 92 Espagnols »:

 

  • Genèse du « 92 Espagnol »
    La commande de pistolets automatiques type Ruby
    La commande de pistolets automatiques Star
    La commande de revolvers en 8mm92
    Comparaison des mécanismes entre les différents « 92 Espagnols » et un revolver d’ordonnance modèle 1892
    le « 92 Espagnol », copie du revolver Smith & Wesson Military and Police
    Hermanos Orbea
    Exemple de revolver, dit « 92 Espagnol » fournit par Hermanos Orbea à la France
    Mécanisme d’un revolver de type « 92 Espagnol », fabriqué par Hermanos Orbea
    Les évolutions des révolvers en 8mm fournis par Hermanos Orbea
    Comparaison entre 2 modèles Orbea: « La Industrial Orbea » Eibar et Orbea y Cia Eibar
    Revolver « 92 Espagnol » type Orbea, finition luxe
    Trocaola Aranzabal Y Cia
    Exemple de revolver, dit « 92 Espagnol » fournit par Trocaola Aranzabal Y Cia à la France
    Arizmendi Zulaïca
    Exemple de revolver, dit « 92 Espagnol » fournit par Arizmendi Zulaïca à la France
    Beistegui Hermanos S.A.
    le « 92 Espagnol », copie du revolver Colt Police Positive 1897 ou Colt Army Special 1908
    Le Colt Police Positive
    Le Colt Army Special (version armée française)
    Utilisation des « 92 espagnols »
    Législation sur les « 92 espagnols »

Revolver modèle 1892 réglementaire de Saint Etienne et deux « 92 Espagnol »: type Smith & Wesson (Hermanos Orbea) et Colt (Garate Anitua Y Cia):

Crédit photos: Caym

Genèse du « 92 Espagnol »

Lors de l’entrée en guerre de la France, le 3 Août 1914, le revolver d’ordonnance français alors en service est le modèle 1892, de la Manufacture d’armes de Saint Etienne. Il y en a un peu plus de 260 000 de fabriqués (sur un total avoisinant les 366 000, lors de la fin de la production, en 1924).
Dès la fin de l’année 1914, les troupes s’enlisent dans des tranchées, après une guerre de mouvement. Suite aux pertes énormes en armement, et notamment en armes de poings, le gouvernement Français décide de remettre en service les anciens revolvers modèles 1873 et 1874, avec, souvent, un passage en arsenal ou manufacture pour réparations, et de faire main basse sur tout ce que l’industrie civile peux fournir.
Ainsi, les fabrications du commerce du revolver modèle 1892 (Lamure & Gidrol, « Acier forgé Saint Etienne », revolvers produits par la Manufacture Française d’armes de Saint Etienne, modèles 1892 produits en belgique, …), mais aussi les revolvers modèles 1887 du commerce (fabrications françaises et belges) et du contrat militaire sont récupérés et mis en service. L’avantage est qu’ils peuvent tirer la munition réglementaire 8mm92 (8X27mm) utilisée dans le revolver modèle 1892.

Source: ECPAD – SPA 211 M 4181 – Moreau, Albert. Blesme, revue et remise de décorations par le général Pétain au 51e RI et 87e RI. Le général Pétain décore le drapeau du 87e RI, le 25/07/1917. Notez les étuis jambons des deux portes drapeaux, pouvant contenir un revolver modèle « 92 espagnol » ou un revolver modèle 1892 de la MAS.

Toutefois, ce n’est encore pas assez, et le besoin en arme de poing se fait de plus en plus ressentir sur le front.
Ne pouvant faire appel aux armuriers belges, fidèles fournisseurs du marché français, car déjà sous le joug de la botte Allemande, la France se tourne dans un premier temps vers les manufactures Américaines. Seulement, après la commande de quelques centaines de Colt Army en calibre 38 spécial (660 revolvers commandés en Février 1915, avec anneau de dragonne et plaquettes en bois lisse, voir plus bas sur la page pour en voir un en photo) et 5000 Colts 1911, la facture est salée. La France regarde donc du côté de l’Espagne, et notamment la région d’Eibar, pour commander à moindre coût ses prochaines armes de poing.

 

Comparaison entre un revolver modèle 1892 du commerce et un « 92 espagnol » (Hermanos Orbea).

 

La région d’Eibar, située dans le pays basque Espagnol, regorge d’armuriers qui fabriquent depuis de nombreuses années des copies de revolvers connus (Lefaucheux, Colt, Smith&Wesson, Webley, …), allant presque jusqu’à la contrefaçon.
La France, dans le besoin, ne va donc pas miser sur la qualité, mais sur la quantité, et passe commande pour 2 types d’armes: des pistolets automatiques (Ruby et Star) en calibre 7,65mm et des revolvers en calibre 8mm (8mm92).

La commande de pistolets automatiques type Ruby
Les pistolets Ruby, ou type Ruby, sont des pistolets semi-automatique de petit calibre (7,65 pour les armes commandées par la France dès 1915, mais il existe aussi des versions du commerce en calibre 6,35), commandés en Espagne par la France, pour pallier au manque d’armes de poing durant la Première Guerre Mondiale.
Le mécanisme de ces pistolets automatiques, tout comme leur design, est une copie simplifiée des pistolets Browning 1903 (conçu par John Moses Browning pour la FN Herstal). La platine est à simple action, avec un chien interne et une culasse non calée. On y trouve aussi une sureté manuelle, sur le côté gauche de l’arme, un crochet de chargeur sous la poignée, et un anneau de dragonne sur le côté gauche de la poignée (pour les modèles du contrat militaire).
Ce type de pistolet automatique existe, pour le marché civil, depuis 1905-1906, environ.

 

Pistolet automatique de type Ruby (calibre 7,65mm), fabriqué par Bonifacio Echeverria, et livré à la France lors de la Première Guerre mondiale.

Concernant l’achat des pistolets automatiques de type Ruby (calibre 7,65mm), la première commande est passée fin Mai 1915 avec Gabilondo Y Urresti et concerne 10 000 pistolets Ruby par mois, porté à 30 000 pistolets par mois en Août 1915. Il sera fabriqué et livré environ 800 000 de ces pistolets (plus de 968 000 pistolets Ruby, dont 709 775 reçus par la commission de Bayonne et 23 000 pistolets Star), par une multitude de fabricants (Gabilondo Y Urresti, Bonifacio Echeveria, La industrial Orbéa, Retolaza Hermanos, Zulaica y Cia, …).
Les pistolets marqués « Ruby » sur la glissière ont étés fabriqués par Gabilondo Y Urresti (G.U).

Le pistolet Ruby est de petite taille et léger, ce qui en fait une arme pratique à transporter. Le chargeur possède une capacitée comprise entre 7 et 9 coups, selon les modèles et fabricants. D’abord porté dans une cartouchière pour le fusil modèle 1886 Lebel, aménagée pour y faire rentrer le pistolet automatique et ses 2 chargeurs, un étui spécifique en forme de triangle sera développé par la suite, en 1916.

étui modèle 1916, pour pistolet automatique Ruby. Crédit Photo Forum militaria1940.

Source: Notice descriptive des nouveaux uniformes, du 30 Mai 1919, édition mise à jour jusqu’au 1er Février 1923,

La commande de pistolets automatiques Star
La France commande 24 700 pistolets automatiques Star, entre 1915 et 1918.
Le fabricant de ces pistolets automatiques Star est Bonifacio Echeverria, à Eibar.
Conçu en 1914, ce modèle de pistolet automatique est une amélioration du modèle précedent (1908), basé sur le pistolet Mannlicher 1901/1905.
Concernant les modèles acquis par l’armée Française, il existe 2 modèles: un modèle dit « pour officier » avec un chargeur de 7 coups et un canon de 126mm, et un modèle dit « pour la troupe », avec un canon un peu plus long (138mm) et 9 coups dans le chargeur.
Ces pistolets sont bronzés.

Pistolet automatique Star, fabriqué par Bonifacio Echeverria, calibre 7,65mm, et livré à la France lors de la Première Guerre mondiale. Le bronzage a disparu.

La commande de revolvers en 8mm92
Commençant à avoir trop de calibres différents pour ses armes de poing (11mm73, 8mm92, 7,65mm, 38 spécial et même du .45ACP), et ayant encore besoin de revolvers, la commission d’achat française produit un cahier des charges exigeant que les revolvers soient chambrés pour la cartouche de 8mm du revolver modèle 1892.
Les armuriers d’Eibar, qui fabriquaient déjà des répliques de Colt et Smith&Wesson en calibre .32 ou .38 ne tardent pas à satisfaire à la demande française en changeant le forage de leurs canons et de leurs barillets.

 

La France passe donc une première commande de revolvers chambrés en 8mm92 à Eibar le 6 Février 1917.
Les conditions d’achat et de réception de ces revolvers sont définies dans la dépêche ministérielle n° 21323-2/3.
Il y est bien spécifié que les différents fabricants de ces revolvers doivent livrer les armes par lot de 1000, à la frontière française, pour qu’elles puissent être réceptionnées par le parc d’artillerie de Bayonne.
Un modèle type est déposé à la STA (Section Technique de l’Artillerie).
Chaque arme fournie doit présenter une marque d’origine, un numéro matricule et toutes les armes doivent être en acier.
Chacun des fabricants reçoit, pour toutes indications, le tracé type des chambres du revolver, accompagné de quelques données dimensionnelles.
Le canon doit être foré au diamètre de 8 mm sur les pleins et de 8,30 mm à fond des rayures, avec une tolérance de 0,03 mm.
Les autres spécifications sont: 1,6 à 1,7 mm entre le renfort et le barillet, 0,45 à 0,15 mm entre le canon et le barillet et 1,7 à 2 mm pour la saillie de la pointe du percuteur. Le reste concerne les aspects traditionnels de vérification du bon fonctionnement de la platine.

Les revolvers sont testés au pas de tir, sur une cible carré de 40cm de coté, à 15m. Les 6 projectiles tirés doivent y figurer.
Si l’on trouve plus de 10% d’armes défectueuses ou hors normes, tout le lot est rejeté pour mise en conformité par le fabricant.

Comparaison revolver modèle 1892 Saint Etienne et 2 « 92 Espagnol » (type Smith & Wesson et Colt). Les revolver modèle 1892 et le 92 espagnol type Smith & Wesson sont démilitarisés.

Crédit photos: Caym

Deux types de revolvers, répondant aux données du cahier des charges, vont être livrés à la France, par une multitude de fabricants:
• Copie de revolver Smith & Wesson Military and Police (1899)
• Copie de revolver Colt Police Positive 1897 ou Colt Army Special 1908

Source: Gazette des Armes, numéro 467: Revolver modèle 1892 du commerce « Acier Forgé », Revolver Vleit en 8mm (copie du Colt, par Garate Anitua) et revolver Orbéa en 8mm (copie du Smith & Wesson Military and Police).

 

Tout fabricants et types confondus (copies de Colt ou de Smith&Wesson), la France va acheter, sur la période 1917-1918, 485 280 revolvers, dont, pour les revolvers de type Smith & Wesson:
• 225 000 exemplaires de revolvers Orbea Hermanos type « Oscilante » (La Industrial Orbea, Orbea y Cia)
• 150 000 exemplaires de revolvers Trocaola, Aranzabal y Cia
• 43 500 exemplaires de revolvers Arizmendi y Zulaica

La production (dans d’autres calibres) de ce type de copie de revolver durera jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale.

Comparaison revolvers « 92 Espagnol » (type Smith & Wesson et Colt). Crédit photos: Caym

Il est à noter que le barillet des revolvers fournis par l’Espagne à la France bascule à gauche, alors que celui du revolver d’ordonnance modèle 1892 bascule à droite. En effet, lors de la création du modèle 1892, le revolver est encore l’arme secondaire, après le sabre. Il se tiens donc de la main gauche et se recharge de la main droite. Cette caractéristique se retrouve sur tous les revolvers du XIXe siècle.

Comparaison du barillet d’un revolver MAS 1892 et de 2 revolvers « 92 Espagnol » (type Smith & Wesson et Colt).

Crédit photos: Caym

Comparaison des mécanismes entre les différents « 92 Espagnols » et un revolver d’ordonnance modèle 1892
Les revolvers du type « 92 Espagnols », qu’ils soient des copies du Smith & Wesson Military & Police, ou d’un modèle Colt, reprennent le ressort en « V » du revolver modèle 1892, simplifiant ainsi le mécanisme:

Comparaison des mécanismes entre les différents « 92 Espagnols » et un revolver d’ordonnance modèle 1892.

Crédit photos: Caym

le « 92 Espagnol », copie du revolver Smith & Wesson Military and Police
Le Smith & Wesson Military & Police, créé en 1899, et aussi nommé Smith & Wesson .38 hand Ejector est un revolver en calibre .38 spécial (6 coups). Il s’agit d’un revolver à carcasse fermée et barillet basculant, avec un mécanisme à percussion centrale (simple et double action).

Revolver Smith & Wesson Military and Police.

 

La copie basque de ce revolver reprends globalement la même forme et un mécanisme similaire. Toutefois on constate quelques changements au niveau du mécanisme.
La différence principale étant l’utilisation du ressort en « V » dans le mécanisme, sur les revolvers espagnols:

Différences entre le mécanisme d’un Smith & Wesson Military & Police (en haut) et un 92 espagnol (Trocaola Aranzabal Y Cia) (en bas)

Différents fabricants d’Eibar ont produits ce revolver, copie du revolver Smith & Wesson Military and Police, parmis lesquels on retrouve (entre autre):
• Hermanos Orbea (Orbea y Cia Eibar ou « La Industrial Orbea » Eibar)
• Trocaola Aranzabal Y Cia
• Arizmendi Zulaïca
• Garate Anitua Y Cia
• …

Hermanos Orbea
Créée en 1840, la société espagnole Orbea est spécialisée dans la fabrication de revolver, jusqu’en 1930, date à partir de laquelle elle ne fabriquera (et fabrique toujours) que des vélos.

D’abord nommée « Hermanos Orbea » (Orbea Frères), la société est renommée en « Orbea Hermanos Y Compania » en 1891, puis « Orbea Y Compania » en 1897, et enfin « La Industrial Orbea » pendant la Première Guerre Mondiale.
Les frères Orbea (Juan Manuel, Casimiro et Mateo) s’installent dans une ancienne minoterie familiale en 1860, afin d’apporter leur contribution à la fabrication de revolvers pour l’armée Espagnole, pour la Royal Oviedo Arms Factory. Il y fabriquent des revolvers à broche, pour le royaume d’Espagne, ainsi que 4000 revolvers Kerr pour la marine espagnole.

En 1883, Les frères Orbea déposent un brevet pour le revolver Ona, copie du Smith & Wesson Russian DA. Ce revolver, sera décliné dans des versions moins encombrantes, et la gamme sera renommée Onena en 1911.
Le 6 Octobre 1884, une ordonnance Espagnole indique que l’ensemble des officiers de l’armée espagnole doivent acheter eux-même leur revolver, qui doit répondre aux spécifications militaires. Les revolvers Smith & Wesson de l’époque (revolvers à brisure) étants particulièrement populaires, la société Orbea à Eibar, va acquérir une autorisation pour produire sous licence le modèle n°3 de Smith & Wesson (à l’origine en calibre 44 S&W), en le renommant « Modèle 1884 » ou « Orbea n° 7 », en calibre 11 mm « espagnol » (44 S&W, utilisé dans la guerre entre les Etats-Unis et Cuba).
Jusqu’en 1906, quatre entreprises espagnoles fabriqueront ce modèle.

Au tournant du XXe siècle, vers 1908, la firme Orbea Y Cia va se mettre à fabriquer des copies du Smith & Wesson Military & Police (modèle Smith & Wesson hand Ejector 1905), en calibre .32 et .38 S&W Long, sous le nom de « Revolver Oscillante » (marque déposée le 7 Avril 1911).
Le modèle sera aussi appelé, « Modelo 1925 », plus tard.

Lors de la première guerre mondiale, outre les armes construites et fournies à la France, Orbea (et les industries armurières d’Eibar, en général) fourniront aussi des revolvers à l’Italie (modèle 1889 Bodeo, calibre 10,35 italien du revolver Glisenti. Fabrication par francisco Arismendi y Goenaga et Antonio Errasti)) et à l’angleterre (calibre 455 Webley). Ces armes seront ensuite commercialisées en Espagne, et certaines importées aux Etats-Unis, après la guerre.

La fin de la Première Guerre mondiale et la baisse de la vente d’armes, issues d’Eibar, aux États-Unis et en Europe ont fait baisser le prix de ces revolvers et permis leur acquisition par la population civile espagnole. Durant les années 1920, de nombreuses usines d’armes d’Eibar ont été impliquées dans la fabrication de revolvers utilisant la cartouche à poudre noire 38 Long Colt, car les pays d’Amérique du Sud qui importaient ces revolvers (principalement l’Argentine) utilisaient encore les munitions à poudre noire.
La Police Argentine adoptera d’ailleurs le modèle Oscilante en 1920.

 

Au début de la guerre civile espagnole, certains officiers utilisaient encore ce revolver. On en trouve aussi un nombre important dans les mains de la population et des personnels civils travaillant au siège des partis politiques.
Enfin, il est à noter qu’Orbea, outre ses propres fabrications, est, avec Garate y Cia, un des fournisseur des canons pour d’autres fabricants de revolver d’Eibar.

En plus de revolvers en calibre 8mm, Orbea à aussi fabriqué et livré 16 500 pistolets automatiques type Ruby en calibre 7,65 (commande de Mai 1915), marqués sur la glissière « La Industrial Orbea – Eibar » (code IO), avec chargeur à 9 coups.

 

Source: tatoo86

Revolver, dit « 92 Espagnol » fournit par Hermanos Orbea à la France
Exemple d’un revolver fabriqué par la firme Hermanos Orbea (Orbea frères), en calibre 8mm92, et fournit à la france pendant la première Guerre Mondiale.
Ce revolver possède des plaquettes en ébonite noire, avec le logo « HO », pour « Hermanos Orbea », et aucun marquage sur le canon. Il a été démilitarisé à au banc d’épreuve de Saint Etienne, d’où la présence du poinçon « EU couronné ».

 

Revolver du type 1892 Espagnol, fabriqué par Hermanos Orbéa, exposé au Musée des Armées, aux Invalides, à Paris. Marquage sur le canon: « Orbea Y Cia Eibar » :

Mécanisme d’un revolver de type « 92 Espagnol », fabriqué par Hermanos Orbea
Revolver type « 92 Espagnol » fabriqué par Hermanos Orbea. Marquage « La Industrial Orbea » Eibar et plaquettes ébonite noires avec logo « HO »:

Mécanisme revolver 92 espagnol Orbea Hermanos. Crédit photos: Caym

Les évolutions des révolvers en 8mm fournis par Hermanos Orbea
Sur les différents revolvers fournis à la France par Hermanos Orbea, on remarque 3 points qui évoluent:
• Un axe ou une pièce ronde est visible sous la commande de verrou de barillet, ou alors la carcasse est lisse à cet endroit.
• Les plaquettes: ébonite noire avec le logo « HO » ou en bois marron, sans logo.
• Le marquage sur le canon: Orbea y Cia Eibar, « La Industrial Orbea » Eibar ou pas de marquage:

Les armuriers d’Eibar fabriquant déjà ce type de revolver (dans d’autres calibres) avant la commande française de 1917, les premiers exemplaires livrés conservent les plaquettes en ébonite, et les marquages commerciaux. Au fur et à mesure de l’avancement de la commande, et comme le cahier des charges précise seulement que « chaque arme fournie doit présenter une marque d’origine, un numéro matricule et toutes les armes doivent être en acier », les fabricants cherchent probablement à faire des économies, et les plaquettes en bois font leur apparition, tout comme les évolutions, puis suppression de marquage.
Toujours dans cette veine, il est à noter que la plupart des auteurs s’accordent pour dire que les premiers exemplaires de revolvers de type « 92 espagnol » fournis juste après la commande de Février 1917 étaient, tant pour les copies de Smith & Wesson Military & Police, que pour celles des Colts, des modèles commerciaux modifiés par rapport à leurs versions antérieures en calibre US (.32 et .38, principalement).

Etant donné que la firme Orbea change plusieurs fois de nom (« Hermanos Orbea » à sa création, « Orbea Hermanos Y Compania » en 1891, « Orbea Y Compania » en 1897, et enfin « La Industrial Orbea » pendant la Première Guerre Mondiale) il est très probable que les revolvers marqués Orbea y Cia Eibar fassent partie des premières fabrications livrées à la France, et soient des revolvers modifiés (changement de calibre) pour correspondre au cahier des charges Français. L’information reste toutefois à confirmer.

Quelques exemples des différentes versions rencontrées:
• Marquage sur le canon Orbea y Cia Eibar et plaquettes ébonite noires avec logo « HO »:

• Marquage sur le canon Orbea y Cia Eibar, plaquettes en bois et présence de l’axe ou pièce ronde sous le verrou de barillet:
Source: historiadelasarmasdefuego.blogspot.com.

• Marquage sur le canon « La Industrial Orbea » Eibar et plaquettes ébonite noires avec logo « HO »:

• Pas de marquage sur le canon, plaquettes ébonite noires avec logo « HO » et présence de l’axe ou pièce ronde sous le verrou de barillet:
Source: armureriesafari.fr.

• Pas de marquage sur le canon et plaquettes en bois:
Source: prehistoire-xixeme.forumactif.org.

Un autre revolver 92 Espagnol, sans marquage, et avec plaquettes de crosse en bois, ayant appartenu à Henri Marty (né à Constantine en 1922), qui intègre la 22e Compagnie Nord-Africaine (CNA), au Liban, en août 1941.

(C) Paris – Musée de l’Armée / Caroline Siarry.

Comparaison entre 2 modèles Orbéa: « La Industrial Orbea » Eibar et Orbea y Cia Eibar
En comparant 2 revolvers type « 92 Espagnol » fabriqués par Hermanos Orbea, avec des marquages différents, à savoir « La Industrial Orbea » Eibar et Orbea y Cia Eibar, on remarque d’autres petites différences: guidon, épaisseur du chien, …
Le modèle « La Industrial Orbea » Eibar est celui du dessus sur les photos suivantes:

 

On remarquera que ces 2 revolvers Orbea ne possèdent pas l’axe ou pièce ronde sous le verrou de barillet.

Revolver « 92 Espagnol » type Orbea, finition luxe
Revolver « 92 Espagnol » type Orbea ayant appartenu au Général d’aviation J.V.
Revolver gravé et doré, plaquettes de crosse en nacre.

Source: « Les Revolvers Militaires Français »

Trocaola Aranzabal Y Cia
« Trocaola, Aranzabal, y Compania » est la réunion de 2 usines, en 1905. Celle de Venancio Trocaola, propriétaire d’une usine fabriquant des fusils de chasse (système Lefaucheux), dans les années 1880 et celle des frères Hilario et José Antonio Aranzabal, propriétaires d’un atelier d’armurier (fondé en 1883), spécialisé dans les copies de revolvers Smith & Wesson à brisure (type Russian).
En 1915, en pleine guerre mondiale, les Britanniques ont acheté un certain nombre de ces revolvers à brisure, en calibre 455. Il ont reçu la désignation de «Pistol OP, No. 2 Mark 1».
A la fin de la guerre, ils ont continué à fabriquer des armes, en se consacrant presque exclusivement à la fabrication d’armes de chasse.

Les revolvers type « 92 Espagnol » fabriqués par Trocaola Aramzabal Y Cia Eibar (Espana), du moins sur les exemplaires que j’ai observé, présentent tous des plaquettes en bois et un marquage présent sur le dessus du canon « Trocaola Aramzabal Y Cia Eibar (Espana) ». Certains exemplaires observés ne possèdent pas d’anneau de dragonne.
De plus, ces revolvers possèdent aussi une étoile à 5 branches, sur le barillet, sous le canon et sous le bâti.

Certains revolvers fabriqués par Trocaola Aranzabal Y Cia possèdent le logo « TCA » entrelacées dans un ovale entouré de « TRADE (en haut) MARK (en bas).

Revolver, dit « 92 Espagnol » fournit par Trocaola Aranzabal Y Cia à la France

Exemple d’un Revolver de type Smith & Wesson Military & Police, en calibre 8mm92, fabriqué par la firme Trocaola Aranzabal Y Cia, fournit à la france pendant la première Guerre Mondiale.
Ce revolver possède des plaquettes en bois et un marquage « Trocaola Aramzabal Y Cia Eibar (Espana) » sur le canon. Il a été démilitarisé à au banc d’épreuve de Saint Etienne, d’où la présence du poinçon « EU couronné ».

Source: tatoo86, sur le Forum PassionMilitaria. Cliquez sur la dernière image pour voir d’autres photos de ce revolver.

Arizmendi Zulaïca
Les revolvers de ce fabricant sont marqués, en règle générale, sur le dessus du canon: « ARIZMENDI ZUALAICA Y CIA – EIBAR (ESPANA) ». On trouve aussi, parfois, un logo AZ (pour « Arizmendi Zulaïca ») sur le côté gauche de la carcasse, au dessus de la plaquette de crosse. Les plaquettes de crosse, quand elles sont en ébonite, possèdent un monogramme AZC.

Revolver, dit « 92 Espagnol » fournit par Arizmendi Zulaïca à la France
Exemple d’un Revolver de type Smith & Wesson Military & Police, en calibre 8mm92, fabriqué par Arizmendi Zulaïca , fournit à la france pendant la première Guerre Mondiale.
Ce revolver possède des plaquettes en bois et un logo AZ (pour « Arizmendi Zulaïca ») sur le côté gauche de la carcasse, au dessus de la plaquette de crosse. Il a été démilitarisé à au banc d’épreuve de Saint Etienne, d’où la présence du poinçon « AN couronné ».

 

Beistegui Hermanos S.A.
Beistegui Hermanos S.A. fabrique des bicyclettes et des armes à feu.
En charge d’un contrat (avec plusieurs avenants) pour des pistolets automatiques types Ruby, en calibre 7,65mm, les éléments présents sur ces contrats concernent aussi des revolvers.
On y retrouve notamment des informations sur les aciers utilisés, et leur qualité:

Toutefois, je n’ai pas trouvé de contrat ou de mention pour des revolvers en calibre 8mm92 à destination de la France.

Beistegui Hermanos S.A. fabrique des pistolets automatiques (il dépose un brevet de Modèle industriel de verrou pour pistolets automatiques le 07/02/1913), et des revolvers de type copie du Smith & Wesson Military & Police, en calibre .32 et .38 (modèle « BH Royal »).
On retrouve ces types de revolvers dans les catalogues de la firme, après-guerre.

 

Source: armia-eibar.eus.

Exemple de catalogue Beistegui Hermanos S.A. : « catalogue d’exportation n°4 », de 1919:

le « 92 Espagnol », copie du revolver Colt Police Positive 1897 ou Colt Army Special 1908
Le Colt Police Positive

 

Le Colt Army Special

Source: Armurerie Saint Guillaume. Révolver Colt Army Special pour l’Armée Française, en calibre 38. commande de 660 revolvers en Février 1915.

Lors de la commande de 1917, différents armuriers et fabricants Espagnols ont produits ce type de revolver pour la France (mais aussi pour l’Italie et la Russie), parmis lesquels on retrouve:
• Garate Anitua Y Cia
• Modèle Cordero (Garate Anitua)
• Modèle Vleit (Garate Anitua)
• Modèle Collins (Garate Anitua)
• Arizmendi Hermanos
• Antonio Errasti

 

Utilisation des « 92 espagnols »

On retrouve ces revolvers sur une très large période: De la première guerre mondiale à la guerre d’Algérie, en passant par l’armée du Levant, la guerre du Rif, la Seconde guerre mondiale et l’Indochine.

Revolver du type « 92 Espagnol » fait par Hermanos Orbea (« La Industrial Orbea » Eibar) avec dragonne en cuir fauve, dans son environnement de l’entre-deux guerre: ceinturon d’officier type Sam Browne belt, étui simplifié modèle 1916 avec son baudrier, étui de jumelles d’officier, sabre d’officier de troupe à pied modèle 1923 réglementaire de Châtellerault (avec sa dragonne réglementaire en cuir fauve) et sabre fantaisie d’officier de troupe à pied modèle 1923, avec lame de Coulaux & Cie à Klingenthal, calotte longue et pommeau en tête de lion (avec sa dragonne pour la tenue n°1 de 1931).

 

Ces revolvers ont eu une très longue carrière au sein de l’Armée Française, malgré leurs aciers et leurs traitements thermiques souvent mis en cause.
Cette longivité au sein des forces armées françaises tiendrait surtout aux talents des armuriers régimentaires qui les ont maintenu en état pendant de longues années, par des interventions continues. Les grands lots de « pièces en blanc » dont ils disposaient et qu’ils ajustaient à ces armes, dont l’interchangeabilité était loin d’être la règle, ont fortement aidé à cette longévité.

 

Législation

 

Catégorie des revolvers modèles 1892 et « 92 Espagnols »:

Les revolvers modèles 1892 (exeptés les modèles à pompe) du contrat militaire (MAS) et les « 1892 espagnols » sont classés en catégorie B (ex 4e catégorie), et nécéssitent donc une autorisation préfectorale pour être détenus en toute légalité.

Quand aux revolvers modèle 1892 de fabrication dite « du commerce« , certains interprètent leur classement comme étant en catégorie D§e Armes historiques et de collection dont le modèle date d’avant janvier 1900, sauf celles classées dans une autre catégorie en raison de leur dangerosité. La loi stipule bien que les revolvers modèle 1892 de tous modèles en calibre 8 mm (à l’exception du modèle à pompe qui est en catégorie D§e), même si fabriqué avant 1900, fabriqués par la MAS restent catégorisés en arme de catégorie B:
France | Revolver français modèle 1892 | MAS | Tous modèles à l’exception des modèles dits « à pompe ». | 8 mm Lebel.
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Or les revolvers modèles 1892 du commerce n’ont pas été fabriqués par la Manufacture d’Armes de Saint-Etienne (MAS), qui ne s’occupait que des contrats militaires.

Les munitions en calibre 8mm92 (aussi appelé 8mm Lebel) sont aussi classées en catégorie B.